UNE INNOVATION DANS LE BULLETIN DE RECENSEMENT

QUI POURRAIT EN CACHER UNE AUTRE : L’ABANDON

DE LA DÉFINITION ACTUELLE DES IMMIGRÉS

 

2 mai 2022

La définition française de l’immigré a été calibrée pour suivre l’immigration étrangère en France et ses effets démographiques à travers la génération née en France de parent(s) immigré(s). L’abandon de la nationalité à la naissance dans le bulletin individuel et l’ajout d’une question sur le lieu de naissance des parents prévus pour 2024 vont conduire à une rupture majeure dans la définition de l’immigré et du descendant d’immigré.

 

Si le souci de la qualité statistique des informations sur les populations d’origine étrangère sur deux générations était premier, le Cnis et l’Insee se seraient déjà rendus à l’idée d’introduire les questions sur le pays et la nationalité de naissance des parents dans les enquêtes annuelles de recensement, enquêtes qui ont remplacé les recensements exhaustifs et dont la première a été réalisée en 2004. En effet, l’interdit a été levé en 2007 dans un rapport de la Cnil sur la diversité[1] qui émettait des propositions visant à « faire progresser la connaissance et, par là même, de mieux lutter contre les discriminations » : « La Commission estime que l’intégration de questions sur la nationalité et le lieu de naissance des parents peut être admise dans le cadre d’enquêtes spécifiques adossées au recensement dès lors que l’objet le justifie. Elle considère qu’il peut aussi être envisagé que de telles questions puissent être posées dans le cadre du recensement de la populations dès lors que toutes les précautions auraient été prises pour garantir la protection des données et que l’acceptabilité de ces questions aurait été préalablement testée » (p. 28). Les deux conditions posées par la Cnil sont d’ores et déjà remplies.

Le groupe de travail du Cnis chargé d’examiner la possibilité de faire évoluer le questionnaire s’était, en 2012,  déclaré hostile à l’introduction de ces questions car cela « pourrait être ressenti comme une stigmatisation officielle » et parce que « l’absence de consensus parmi les personnalités consultées est un handicap déterminant » [2].

La question est revenue sur le tapis à l’occasion d’un projet de modification du bulletin individuel (BI) de recensement. Un compte rendu de la réunion de la Commission Démographie et questions sociales du Cnis du 21 décembre 2021[3] permet de faire un premier bilan, avant la réunion de juin 2022 et l’avis du comité du label qui doit se prononcer sur le nouveau BI dans le courant du deuxième semestre 2022.

L’Insee réorganise son questionnaire en gagnant de la place sur les questions d’emploi et en supprimant la question sur la nationalité à la naissance des étrangers devenus français. Un immigré, rappelons-le, dans la définition française élaborée à l’Ined par moi-même à la fin des années 1980 et mise en œuvre par l’Insee depuis un peu plus de 20 ans, est une personne née à l’étranger de nationalité étrangère ou devenue française. Il existe donc deux façons, aboutissant à des résultats voisins, de détailler les origines de ces immigrés : 1) personnes nées à l’étranger de nationalité étrangère ou devenues françaises, par pays de naissance ; 2) étrangers nés à l’étranger par nationalité auxquels s’ajoutent les Français par acquisition nés à l’étranger de même nationalité à la naissance. L’Insee a systématiquement privilégié la première. Mais celui qui travaille à partir des fichiers détail mis en ligne a intérêt à choisir la seconde car le nombre de nationalités détaillées (NAT49 et NATN49, en 49 postes) est supérieur au nombre de pays de naissance (PNAI12, en douze postes). Ce que Bernard Aubry et moi-même avons fait à plusieurs reprises. Cependant, pour Valérie Roux de l’Insee, cette question sur la nationalité à la  naissance n’a pas été utilisée (p. 8).

Ce gain de place permet à l’Insee d’envisager d’introduire de nouvelles questions dont une sur la double nationalité et une sur le lieu de naissance des parents (département ou pays) : « Nous pourrions par ailleurs introduire une question demandant aux personnes interrogées le lieu de naissance (département ou pays) de chacun de leurs parents ».  (Valérie Roux, p. 8). C’est l’Ined et la défenseure des droits qui en ont fait la demande. Cette demande de recueil du lieu de naissance des parents remonte aussi de l’intérieur de l’Insee. Par ailleurs, Eurostat a questionné les instituts statistiques de 35 pays (dont ceux de l’UE) sur la présence d’une telle question dans leur recensement, manifestant ainsi son intérêt pour le sujet. Un nouveau BI potentiel, sous forme papier, a été testé fin 2021 auprès de 2000 ménages. Le Cnis souhaite que les résultats du test soient disponibles pour la réunion de la commission en juin 2022. L’Insee espère que ce nouveau BI pourra entrer en vigueur lors de l’enquête annuelle de recensement de 2024.

Pour Valérie Roux, qui présentait au Cnis les innovations que pourrait contenir ce nouveau BI, « cette question [sur le lieu des naissance des parents] est déjà posée dans plusieurs enquêtes en France sans difficulté particulière. Son introduction dans le questionnaire de recensement permettrait de mieux mesurer les discriminations et les difficultés d’accès au droit selon les territoires, et cibler les actions à mettre en oeuvre localement dans le cadre notamment des politiques de la ville et des politiques de cohésion sociale » (p. 8).

Le débat lors de la réunion du 21 décembre 2021 a porté principalement sur l’utilité sociale de l’information sur le lieu de naissance des parents. En gros, elle a opposé ceux qui y voient un instrument de « mesure des discriminations » à ceux qui craignent une instrumentalisation stigmatisante et néfaste (voir en annexe une synthèse des échanges).

La probabilité d’une modification du BI beaucoup plus forte qu’en 2012

Si la position du Cnis a visiblement évolué depuis l’avis de 2012, la question n’est pas encore tranchée et il faudra voir en juin comment la commission avance sur cette question après examen des résultats du test du nouveau BI et si le comité du label se prononce favorablement ensuite. Mais quelques remarques s’imposent d’ores et déjà.

Parmi les organismes investis dans la lutte contre les discriminations, le racisme etc., l’hostilité à l’introduction du lieu de naissance des parents est portée principalement par la Ligue des droits de l’homme et la CGT. Le défenseur des droits et la Dilcrah (Délégation interministérielle à la Lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) y sont au contraire très favorables. S’agissant des organismes de recherche, ils y sont presque tous favorables. L’Insee aussi. Et l’on sent que le Cnis aimerait bien sauter le pas. C’est la prééminence de l’engagement pour la lutte contre les discriminations qui a fini par gagner des voix en faveur de l’introduction du lieu de naissance des parents. C’est risqué dans la mesure où le recensement, à lui tout seul, ne peut que mettre en évidence des disparités selon l’origine, sans fournir tous les éléments permettant de les expliquer. On flirte ainsi avec la tentation de faire du constat de ces disparités l’équivalent d’une mise en évidence de discriminations, mais aussi avec celle de mettre en place des politiques préférentielles dont le recensement deviendrait la référence. C’est ce qu’a laissé entendre la Ligue des droits de l’homme qui n’accepterait l’introduction de la question sur le lieu de naissance des parents dans le recensement qu’en appui d’une telle politique. La défenseure des droits anticipait aussi un possible usage de cette donnée dans les tribunaux.

Mais une modification du BI qui pourrait amener à un délaissement du concept d’immigré actuel

Roxane Silberman a évoqué le problème posé par l’abandon du recueil de la nationalité à la naissance des parents. Cette variable entre dans la définition des immigrés. Ne sont pas considérés comme immigrés des Français nés français à l’étranger. Elle « regrette [ainsi] que la question de la nationalité des parents à la naissance ne soit pas intégrée pour des raisons de place. Elle est importante pour les originaires du Maghreb, notamment pour l’Algérie où il importe de distinguer les descendants des Pieds noirs des autres populations »[4] (page 19). Claire Hédon (défenseur des droits) a également noté la non prise en compte de la nationalité à la naissance des parents, tout en voyant dans l’ajout d’une question sur le pays de naissance des parents un premier pas dans la bonne direction.

On ne voit pas bien comment on arriverait à convaincre l’Insee d’introduire la nationalité à la naissance des parents dans le BI quand il a jugé obsolète la même information recueillie pour les personnes – information pourtant collectée depuis 1962 - et l’a supprimée du BI prévu pour 2024.

Jusque-là, nous n’incluions pas, parmi les immigrés, les nationaux nés à l’étranger ni leurs enfants. En ne retenant que le pays de naissance des parents dans le recensement, la tentation sera grande de « changer de pied », d’autant que, dans certains pays comme la Suède par exemple, la définition officielle de l’immigré se résume au fait d’être né à l’étranger. C’est aussi la définition d’Eurostat, de l’OCDE et des Nations Unies. Il est à craindre que l'on finisse par abandonner la définition actuelle de l’immigré, le recours au recensement répandant l’usage d’une définition qui est aussi celle des organisations internationales et d’Eurostat. C’est d’autant plus probable que ni la directrice de l’Ined ni François Héran, professeur au Collège de France, ne semblent gênés par cette évolution et semblent au contraire tout prêts à sauter le pas. Cette discontinuité conduira à une rupture majeure dans l’étude de l’immigration en France qui ne sera plus celle de l’immigration étrangère, mais comprendra désormais les effets de la mobilité internationale des Français. Toute personne née à l’étranger sera un immigré, y compris les Français nés à l’étranger et les enfants nés en France de parent(s) nés Français à l’étranger seront désormais, eux aussi, des descendants d’immigrés.

 

ANNEXE

« Lutte contre les discriminations », l’argument gagnant en faveur de cette innovation

Claire Hédon, Défenseure des droits, voit dans le recueil du lieu de naissance des parents « un progrès très important qui permettra de disposer de données objectives sur ces populations et de tirer des échantillons pour des enquêtes spécifiques à même de mieux documenter les discriminations qu’elles subissent » (page 12). Les données ainsi produites pourraient même être utilisées au tribunal : l’information « contribuera en outre à la mise en état des dossiers pour discrimination que nous instruisons et, sous certaines conditions, elle pourrait même servir de preuve devant les juridictions » (page 13).

À l’Ined aussi, cela ne surprendra personne, la question des discriminations pèse lourd dans sa demande d’introduction du lieu de naissance des parents. Magda Tomasini, la directrice de l’Ined, plaide ainsi en faveur de cette introduction : « Pour les travaux de recherche qui portent sur les discriminations ou la ségrégation, l’ajout d’une variable sur l’origine des parents apporterait des éléments précieux et inexistants dans les sources actuelles » (p. 16). C’est aussi l’avis de François Héran : « Il faut malheureusement constater que la stigmatisation des minorités existe déjà. Elle est extrêmement puissante dans notre société. Elle n’est pas liée à la statistique. Elle est liée plutôt au manque de statistiques, au fait que nous disposons de peu d’informations. […] L’immigration est banale en France ; elle fait partie de notre réalité et la statistique publique doit contribuer à faire en sorte que les Français aient une connaissance aussi claire que possible de la réalité migratoire et des effets qu’elle produit sur la 2ème génération. L’universalité ne se décrète pas ; elle se conquiert contre les discriminations. La conquérir contre les discriminations signifie forcément avoir la connaissance des faits » (p. 17).

Mirna Safi de l’IEP de Paris s’est interrogée sur la finalité de la question dans la mesure où la France n’a pas de politique sur le sujet comme elle en a sur le handicap par exemple : « Cependant, il s’agit un peu d’un cercle vicieux. Si nous n’introduisons pas la question dans le recensement et que nous n’avons pas de politique publique permettant de cibler les discriminations en raison de l’origine, nous n’avancerons pas. […]Il est crucial que le recensement contienne cette information. Cela nous permettrait de développer un cercle vertueux pour mieux comprendre les dynamiques d’inégalité liées à l’origine en France  » (p. 19). Elle y voit aussi un outil utile lors d’expérimentations sur les discriminations, pour caractériser les origines des habitants des espaces géographiques sur lesquels se déroulent ces expérimentations.

Roxane Silberman, du centre Maurice Halbwachs (CNRS) et membre du Comité consultatif européen de la statistique (ESAC) a rappelé que la question sur le lieu de naissance des parents faisait partie des variables jugées « tout à fait pertinentes au plan européen où elle figurent parmi celles qui sont demandées pour étudier les discriminations » (p. 20). Elle a rappelé à quel point l’introduction du pays et de la nationalité à la naissance dans de grandes enquêtes de l’Insee (et du CEREQ) avait suscité des controverses dans les années 2000 alors qu’aujourd’hui tout le monde est bien content de pouvoir en disposer.

Mathias DREYFUSS, de la Délégation interministérielle à la Lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT (DILCRAH) s’est dit lui aussi très favorable à l’introduction du lieu de naissance des parents afin de « mieux territorialiser les actions [menées] à l’échelle nationale » (p. 20).

Mais aussi des arguments statistiques et de connaissances  plus tangibles…

Ekrame Boubtane, enseignante en sciences économiques de l’Université Clermont Auvergne, associée à l’Ecole d’économie de Paris et en délégation à l’Ined, a insisté sur le rôle de  variable de calage qu’aurait le lieu de naissance des parents dans les enquêtes, mais aussi son rôle dans l’étude « de la mobilité géographie associée à la mobilité intergénérationnelle », notamment à l’échelle des départements. D’autres ont souligné l’intérêt de la variable sur le lieu de naissance des parents pour une étude de la ségrégation résidentielle. C’est le cas de Roxane Silberman (« l’aspect spatial et résidentiel est essentiel », p. 20) et de Mirna Safi. Par ailleurs, a été mis en avant l’avantage de disposer du lieu de naissance des parents dans le recensement pour conduire des enquêtes. Ekrame Boubtane a insisté sur ce point : « Pour avoir une information précise dans les enquêtes, il est nécessaire de disposer d’une population de référence » (p. 17). Claire Hédon a elle aussi souligné la nécessité de collecter ces informations dans le recensement afin de « tirer des échantillons pour des enquêtes spécifiques à même de mieux documenter les discriminations qu’elles [ces populations d’origine étrangère] subissent » (page 12)

… et un argument fallacieux

Magda Tomasini et François Héran ont cherché à montrer l’avantage qu’il y aurait à introduire le pays de naissance des parents dans le BI en recourant à une argumentation fallacieuse. Ils prétendent tous les deux que les études menées par France Stratégie[5] sont biaisées.

À partir du fichier Saphir, mis au point par Bernard Aubry, France Stratégie permet de cartographier les concentrations de jeunes d’origine étrangère de moins de 18 ans dans les grandes unités urbaines. Bernard Aubry et moi-même avons fait ce même type de travail depuis une quinzaine d’années[6]. Comme nous, France Stratégie considère qu’à cet âge ces jeunes vivent pratiquement tous dans le foyer parental. Le recensement permet donc de connaître l’origine de leur(s) parent(s).

Magda Tomasini croit, ou fait semblant de croire, qu’il s’agit de l’ensemble des personnes qui sont en position d’enfant dans un ménage, quel que soit leur âge : « Les travaux conduits sur la ségrégation sociale dans le cadre du rapport de France Stratégie ont été réalisés sur les seuls enfants pour lesquels, dans le recensement, nous disposons de l’information sur l’origine des parents. Cette information est non seulement partielle, mais elle peut aussi présenter des biais, puisque les enfants qui vivent encore chez leurs parents ont souvent des caractéristiques socialement défavorables. L’information actuelle est incomplète et biaisée. Je suggère donc d’étendre la question à l’ensemble des personnes qui répondent au recensement. Cela me semblerait plus juste » (p. 16).

François Héran aussi : « Lorsqu’en août 2020 France Stratégie a publié cette cartographie à partir des lieux de naissance des parents pour les ménages ayant des enfants vivant encore à domicile, elle n’a soulevé aucune inquiétude ». « Nous avons déjà une information sur le pays de naissance des parents lorsque les personnes, enfants ou adultes, vivent encore chez leurs parents et cela concerne une fraction non négligeable de la population, de l’ordre d’un tiers. Le fait d’étendre cette donnée à l’ensemble des parents ne constitue pas un saut qualitatif majeur. Il s’agit d’une extension d’une information déjà disponible, mais biaisée par un critère de sélection qui n’est pas très bien connu, tenant aux raisons pour lesquelles un enfant vit encore chez ses parents », p. 17. Après vérification, en 2018, 27,9 % des habitants en France sont en position d’enfant dans un ménage (source : Insee).

Cette critique manque sa cible puisque ce n’est pas ce qu’a fait France Stratégie qui a posé un critère d’âge pour éviter le biais dénoncé par la directrice de l’Ined et le professeur au Collège de France, comme Bernard Aubry et moi l’avons fait. En 2018, par exemple, seulement 3,4 % des moins de 18 ans ne sont pas recensés comme enfants d’une famille. Si biais il y a, il est donc très faible. Il est peu probable qu’un enfant de moins de 18 ans soit particulièrement défavorisé s’il vit encore avec un ou ses deux parents.

Peut-être la directrice de l’Ined et le professeur au Collège de France ont-ils cru ainsi avancer un argument décisif. Pour ma part, j’hésite entre la mauvaise foi et l’ignorance, aucune de ces hypothèses n’étant très glorieuse.  

Les oppositions à cette innovation qui se sont manifestées en cours de réunion

Malik Salemkour, de la Ligue des droits de l’homme, a joué à fond sur l’argument invoqué pour l’introduction d’une question sur le lieu de naissance des parents dans le BI. Il pense que les bonnes intentions des promoteurs de l’introduction du lieu de naissance dans le BI – « combattre les discriminations raciales » - n’empêcheront pas que « d’autres, sans se préoccuper de la raison statistique, s’appuieront sur cette seule collecte pour l’interpréter comme la mise en question de la légitimité du droit du sol ». Il juge la puissance publique peu mobilisée sur l’usage des statistiques dans la lutte contre les discriminations. Par ailleurs, sans le recueil des conditions sociales des parents, celui du seul pays de naissance des parents ouvrirait « grand le champ des interprétations dans les débats publics, avec un risque fort de stigmatisation ». Il propose une alternative : la conduite d’enquêtes annuelles associées au recensement sur gros échantillon et bien financées qui permettraient de « mieux estimer les inégalités que l’on peut attribuer à la persistance de discriminations racistes ». Pour que la Ligue des droits de l’homme réexamine sa position, il faudrait que soient mises en place « des politiques publiques effectives qui reposeraient sur cette donnée. Le principe de nécessité et de proportionnalité de la question doit donc être assumé » (p. 15). Sa position a été soutenue par l’intervention de Marianne-Marion Selz, de la Société française de statistique et du Centre Maurice Halbwachs et celle de Bernard Sujobert, de la Confédération générale du travail (CGT) qui défend le constat de 2012 et craint que l’établissement des regroupements géographiques par grandes zones de l’Insee ne finisse par préfigurer une nomenclature officielle.

Après la proposition d’avis de François Guillaumat-Taillet du Cnis, Jan-Robert Suesser, de la Ligue des droits de l’homme a pris la parole pour « enfoncer le clou » sur ton légèrement menaçant : « Si le débat, plus large que le débat habituel sur la seule utilisation de cette donnée, ne peut pas être intégré au sein du Cnis, il aura lieu à l’extérieur et pourra même engendrer une crise directe au moment du recensement ». Il aurait aimé disposer d’une argumentation plus précise de la part du Cnis et de l’Insee sur le lien entre l’intérêt statistique et les débats publics actuels : « Si les statisticiens et les chercheurs ne veulent pas en tenir compte dans leurs demandes, le directeur général de l’Insee se doit de le faire » (p. 22).

Jean-Philippe Vinquant, président de la commission "démographie et questions sociales" du Cnis, a fait remarquer que « la mauvaise tournure que prend parfois le débat public sur le sujet de l’immigration constitue pour certains un motif encore plus impérieux à agir avec plus de connaissance » quand d’autres recommandent de ce fait d’être toujours plus prudents. Il propose donc d’introduire dans l’avis de la commission le texte suivant : « Pour tous, cette information est importante pour mieux appréhender les inégalités, les situations de discrimination, les phénomènes de ségrégation et les difficultés d’accès aux droits selon les origines et sur deux générations, et elle est nécessaire pour aider à cibler les actions à mettre en oeuvre localement dans le cadre des politiques de cohésion sociale. L’introduction de cette question dans le recensement pose problème pour certains, car elle présenterait des risques d’instrumentalisation dans le débat public » (p. 24).

[1] Anne Debet, Mesure de la diversité et protection des données personnelles, Rapport présenté en séance plénière, 15 avril 2007, https://cnpd.public.lu/content/dam/cnpd/fr/actualites/national/2009/03/rencontre-cnil/communicationVD15_052_vu_parADEBET.pdf.

[2] Jean-Claude Frécon, Chantal Cases, François Clanché, Pascal Oger, Évolution du questionnaire du recensement de la population, Rapport d’un groupe de travail du Cnis, Août 2012, n° 130, https://www.cnis.fr/wp-content/uploads/2017/10/RAP_2012_130_evolution_questionnaire_recensement.pdf.

[4] Même si la question « rapatriée » est plus compliquée que cela puisque tous ceux qui sont nés en Algérie avant 1962 étaient français dès la naissance.

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