RÉFORME DE LA POLITIQUE MIGRATOIRE

AMÉRICAINE (Août 2017)

POLÉMIQUES AUTOUR DU RAISE ACT PRÉSENTÉ PAR DEUX SÉNATEURS AMÉRICAINS, TOM COTTON ET DAVID PERDUE 

Juin 2019

Début août, Tom Cotton et David Perdue, sénateurs de l’Arkansas et de Géorgie, présentèrent leur projet de modification de la politique migratoire. La loi n’a pratiquement pas changé depuis 50 ans et n’est plus adaptée, disaient-ils, à l’Amérique d’aujourd’hui. Le président Trump lui-même a expliqué en quoi la philosophie de ce projet lui convenait.

Le titre du projet de loi est explicite sur les intentions du gouvernement américain : Reforming American Immigration For a Strong Economy. Trump et son équipe pensent que les migrants entrent en compétition avec les nationaux de même niveau et qu’il vaut mieux faire venir des migrants très hautement qualifiés qui apportent beaucoup à l’économie américaine et coûtent peu que des migrants très peu qualifiés qui se trouvent alors en compétition avec les Américains qui eux aussi le sont peu. Le président Trump et son gouvernement endossent donc les travaux de George J. Borjas plutôt que ceux d’autres économistes tels que Giovanni Peri.

COMMENT LES ÉTATS-UNIS COMPTENT LES IMMIGRANTS

Avant d’examiner ce que les deux sénateurs proposent, un mot sur la statistique américaine.

Sont considérés comme immigrants permanents, les étrangers à qui l’on délivre un titre de séjour permanent (green card). Ne sont ainsi pas comptés, par exemple, les étrangers qui viennent travailler aux Etats-Unis et à qui est délivré un visa H-1B donnant droit à un séjour de trois ans renouvelable. La totalité du séjour ne peut dépasser 6 ans, sauf si le titulaire a déposé une demande de séjour permanent. Dans ce cas, une rallonge d’un an supplémentaire est accordée. Il s’agit donc de séjours temporaires qui durent et ne sont pas comptés d’emblée. Les immigrants dits temporaires ne sont comptés dans le flux d’immigrants d’une année, que lorsqu’ils obtiennent un titre de séjour permanent. Une partie de ce qu’on appelle entrées aux Etats-Unis est donc comptée avec retard. En 2015, sur 1 051 031 admissions au séjour permanent, 542 315 correspondent à des étrangers déjà présents, soit près de la moitié. Beaucoup sont des membres de la famille proche d’Américains : 230 194. Parmi eux, 158 768 sont des conjoints, 16 074 des enfants et 55 352 des parents. Il faut y ajouter 16 783 personnes admises pour liens familiaux avec des étrangers résidents ou une parenté plus éloignée de citoyens américains. Par ailleurs, 121 978 sont des étrangers qui travaillent déjà aux Etats‑Unis et ont reçu, en 2015, un titre permanent pour leur activité professionnelle[1].

La réforme de la politique migratoire présentée par les deux sénateurs porte essentiellement sur le régime d’admission au séjour permanent.

LE PROJET RAISE

En matière économique, les sénateurs proposent de remplacer le système d’attribution de titres de séjour permanents (green cards) sponsorisé par des patrons par un système à points (voir ci-après). En 2015,  85 % des 144 047 cartes vertes attribuées pour motif professionnel, l’ont été à des étrangers déjà détenteurs d’un visa H-1B et à des étudiants. D’après le Migration Policy Institute, compte tenu des exigences du système à points, notamment en matière de maîtrise linguistique, ce dernier resterait à leur avantage. Ce n’est pas évident pour George  Borjas qui pense, au contraire, qu’ils entreraient désormais en compétition avec beaucoup plus d’étrangers de très haut niveau résidant à l’étranger. Par ailleurs, le Migration Policy Institute s’interroge sur l’ouverture de ce système à des étrangers qui n’auraient pas déjà l’assurance d’un emploi. Le Canada et l’Australie, qui ont eux aussi depuis longtemps un système à point, l’ont modifié pour donner une priorité à ceux qui ont une offre d’emploi.

Système à points proposé par les sénateurs Cotton et Perdue.
Source : George J. Borjas, Politico Magazine, 4/8/2017.

Système à points proposé par les sénateurs Cotton et Perdue.
Source : George J. Borjas, Politico Magazine, 4/8/2017.

Cotton et Perdue proposent aussi de réduire l’immigration familiale. Celle-ci représentait, en 2015, près des deux tiers de l’immigration permanente, soit 679 000 personnes (voir graphique ci-dessous). Actuellement, les conjoints, enfants mineurs et parents de citoyens américains ont droit à un séjour permanent (44 % des entrées en 2015). Un nombre limité est également prévu (avec liste d’attente) pour les enfants adultes et pour les frères et sœurs d’au moins 21 ans d’Américains et leurs conjoints, mais aussi pour les conjoints et enfants mineurs ou majeurs mais célibataires d’étrangers détenant une green card (family sponsored preferences, 20 % des entrées en 2015). Le projet de loi prévoit de limiter cette catégorie d’entrées (88 000 contre 214 000 en 2015) et de la réserver aux conjoints et enfants mineurs (de moins de 18 ans et non plus de moins de 21 ans).

Les parents d’Américains d’âge adulte ne pourraient plus obtenir un statut de résident permanent mais pourraient encore venir avec un statut temporaire, pourvu qu’ils aient une assurance santé et que leurs enfants s’engagent à assumer leurs dépenses. Ils n’auraient droit à aucune aide sociale. Pour le Migration Policy Institute[2], cette mesure pourrait être contestée par les États, au nom de leur liberté d’instituer leur propre politique sociale.

Le projet de loi prévoit de limiter le nombre de réfugiés à 50 000. Le Migration Policy Institute regrette que l’on projette de mettre fin à la flexibilité qui est actuellement donnée au Président d’ajuster le nombre de réfugiés aux crises dans le monde.

Le quota réservé à la « diversité » attribuant des green cards par loterie serait supprimé. Le Migration Policy Institute conteste cette mesure car, dit-il, elle empêche le développement de courants migratoires en provenance de pays qui n’ont pas de liens familiaux ou de liens avec des employeurs.

Le projet de loi propose de supprimer les quotas (pas plus de 7 % pour un même pays) s’appliquant aux catégories plafonnées, censés permettre l’accès aux étrangers peu représentés aux Etats-Unis.

Le projet de loi imposerait, par ailleurs, une condition supplémentaire aux étrangers détenteurs d’une green card pour devenir américain : leur sponsor devrait rembourser les prestations servies par le gouvernement fédéral au cours des cinq premières années de séjour de l’étranger en possession d’une green card.

Nouvelles admissions d'immigrants permanents par classe d'admission en 2015.
Source : Department of Homeland Security, 2015, Yearbook of Immigration Statistics.
Graphique publié par l'Immigration Policy Institute.

Nouvelles admissions d'immigrants permanents par classe d'admission en 2015.
Source : Department of Homeland Security, 2015, Yearbook of Immigration Statistics.
Graphique publié par l'Immigration Policy Institute.

C’est principalement à travers les mesures affectant la dynamique migratoire liée aux liens familiaux que le projet de loi cherche à réduire les flux en en limitant l’effet multiplicateur. Comme l’écrit George Borjas : « Est-il vraiment judicieux d’avoir une politique qui, au bout du compte, garantit un visa à la sœur du père de la femme du frère d’un immigrant ? »(Politico Magazine, 4/8/2017[3]).

UN APPERÇU DES DÉBATS SUR LE PROJET RAISE

La proposition Cotton-Perdue a déclenché la réprobation à laquelle on s'attend à chaque fois que le gouvernement Trump propose quelque chose. Elle a aussi relancé le débat sur les conséquences économiques de l’immigration. On a vu que le gouvernement a fait siennes les conclusions des études sur le sujet menées par George Borjas, profeseur à Harvard. Le New York Times, au contraire, leur a préféré celles de Giovanni Peri, professeur à l’université Davis en Californie et de Michael Clemens du Centre for Global Development de Washington, mieux en accord avec ses propres préférences. George Borjas a pourtant, à plusieurs reprises refait les calculs de Giovanni Peri et als. et exposé leurs méthodes frauduleuses.

Il peut paraître difficile de trancher lorsqu’on n’est pas du métier (c’est mon cas), d’autant que, souvent, l’on entend dire « pour les économistes … » comme si un tel débat se décidait à la majorité. Or, on peut être seul – ce qui n’est pas le cas de George Borjas - et avoir raison contre la majorité d’une corporation. Pour un journaliste, la preuve sociale par le nombre aura tendance à l’emporter, surtout si son petit cœur bat en faveur des migrants.

En ce qui me concerne, j’ai tendance à accorder ma confiance à ceux qui ont montré, dans leur vie professionnelle, une curiosité réelle pour les résultats, quels qu’ils soient, et surtout pour la méthodologie - c’est le cas de Borjas – et qui ont démontré de façon convaincante à quoi tenaient les résultats des économistes engagés en faveur de l’immigration. George Borjas l’a fait pour les études de Giovanni Peri et Gianmarco Ottaviono[4], sans grand effet sur la popularité de ces derniers. Ainsi, en 2008, Borjas, Grogger et Hanson[5] ont montré que les résultats d’Ottaviano-Peri publiés en 2006 sur l’absence d’effet sur les salaires tenaient à l’inclusion des lycéens qui travaillent (à temps très partiel) parmi les lycéens ayant abandonné leurs études. Les résultats d’Ottaviano-Peri sont invalidés dès que l’on retire de l’échantillon ceux qui n’ont pas fini leurs études. Borjas,, Grogger et Hanson montrèrent ensuite que lorsqu’on regroupe ceux qui abandonnent leurs études secondaires et ceux qui en sortent diplômés, ce que font Peri et als.[6], on pollue les résultats en favorisant ainsi, techniquement, une absence d’effet sur les salaires[7].

Les derniers débats académiques ont porté sur la mesure des effets de l’arrivée de 123 000 Marielitos en 1980 à Miami[8]. George Borjas a refait une étude sur le sujet, après celle restée célèbre de David Card publiée en 1990[9], qui a démenti résultats de ce dernier sur l’absence d’effet sur les salaires[10]. George Borjas a montré que, si l’on prenait soin de distinguer ceux qui n’avaient pas fini leurs études secondaires, on observait bien un effet sur les salaires des peu qualifiés. Michael Clemens, avec d’autres, lui a répondu que c’était lié à l’accroissement de la part des Noirs à Miami. George Borjas a montré qu’il n’en était rien si l’on faisait les choses correctement. Ceux qui sont intéressés par les aspects techniques de la « bagarre » trouveront moult détails sur les blogs de George Borjas et de Michael Clemens[11].

Si l’on revient à l’écho donné au projet Cotton-Perdue par Binyamin Appelbaum, le 3 août dernier dans le New York Times, tout est déjà dans le titre : « Fewer immigrants Mean More Jobs ? Not So, Economists say »[12]. On remarquera la manière qu’a le New York Times de mettre « les économistes » de son côté. Le New York Times a choisi de privilégier les économistes - Peri et Clemens - qui leur racontent l’histoire qu’ils ont envie d’entendre : l’Américain moyen profite de l’immigration ; les immigrants exercent les métiers dont les natifs ne veulent pas et qui disparaîtraient sans eux ; il accroissent la richesse de tous et sont sans effet sur les salaires des moins qualifiés... Michael Clemens est cité disant : « l’histoire selon laquelle, quand l’offre de travail diminue, les salaires augmentent est une caricature ». Et le New York Times de raconter l’exemple des tomates ramassées jusqu’au début des années 1960 par des travailleurs mexicains et qui le furent ensuite par des machines. En effet, il arrive que l’immigration soit un frein à la mécanisation. Mais faut-il regretter la mécanisation de certaines taches ? Le New York Times cite une analyse menée par les économistes de la JPMorgan Chase concluant qu’un arrêt total de l’immigration réduirait la croissance économique de 0,3 %. Or, 0,3 % c’est justement le poids des migrants entrés en 2015. Autrement dit, aucun effet ne serait visible sur le PIB par habitant.

Le New York Times cite bien quelques propos de George Borjas expliquant que d’un point de vue économique, la question est sans appel et que c’est bien l’immigration des très qualifiés qu’il faut privilégier, mais que l’on n’est pas forcé de décider seulement en fonction de l’économie, pour, juste après, signaler que d’autres économistes contestent les travaux de Borjas. Il cite alors Peri qui, lui aussi, cherche à faire passer l’idée que le nombre compte et qu’on ne peut pas être majoritaire et avoir tort : « La plupart des études trouvent un impact négatif sur les salaires des peu qualifiés proche de zéro ».

Des élus démocrates et des élus républicains s’opposent à cette réforme qui, comme l’explique George Borjas, pourrait pourtant constituer une base de départ pour moderniser la politique migratoire des Etats-Unis. Mais, d’après lui, elle n’a guère de chances d’aboutir : « les émotions intenses soulevées par l’immigration corrompent tellement le débat qu’il n’y aura pas de RAISE au bout du compte. Mais c’est vraiment dommage que l’on ne puisse même pas parler des façons dont on pourrait mettre à jour une politique qui a 50 ans d’âge. »[13]

 ÉVOLUTION DES PROGRESSISTES SUR LA MANIÈRE DE PENSER L’IMMIGRATION

Le journaliste politique Peter Beinart, qui se déclare lui-même progressiste (liberal au sens américain), essaie d’expliquer, dans un article récent sur TheAtlantic.com[14], le retournement des progressistes sur la question de l’immigration : How the Democrats Lost Their Way on Immigration ?

Il y a seulement dix ans, dit-il, la manière dont les progressistes se posaient des questions sur l’immigration choquerait ceux qui s’expriment sur le sujet aujourd’hui.

En 2005, Glenn Greenwald, un auteur à succès connu pour avoir diffusé, dans The Guardian, les révélations d’Edward Snowden, écrivait : « L’immigration illégale fait des ravages économiquement, socialement et culturellement ; bafoue l’État de droit ; est indigne ne serait-ce qu’en termes d’équité. » Ce texte est aujourd’hui encore sur son site, mais accompagné d’une présentation expliquant qu’il regrette que ce texte soit utilisé contre lui parce que c’est l’écrit d’un débutant qui était tout sauf réfléchi et bien informé. Ce texte n’a plus rien à voir avec ce qu’il croit (believe) aujourd’hui[15].

En 2006, Paul Krugman (professeur d'économie à Princeton, lauréat du prix Nobel d'économie en 2008 et éditorialiste du New York Times), écrivait dans le New York Times[16] que l’immigration mexicaine apportait peu de bénéfices à la population déjà présente, qu’elle réduisait les salaires de ceux qui entrent en compétition avec ces migrants mexicains  et représentait une charge fiscale.

La même année, le sénateur Barack Obama écrivait, dans son livre Audacity of Hope : « Quand je vois des drapeaux mexicains agités lors de manifestations pro-immigration, J’éprouve parfois un ressentiment patriotique. Quand je suis obligé de recourir à un traducteur pour communiquer avec le gars qui répare ma voiture, je ressens une certaine frustration. »

Ce n’est pas tant que ces progressistes s’opposaient à l’immigration en général, explique Peter Beinart, mais ils étaient alors convaincus que les immigrants peu formés faisaient baisser les salaires des travailleurs américains de même niveau de formation et pesaient sur les finances publiques.

Pour Peter Beinart, c’est une évolution progressive qui a abouti, en 2016, à une plateforme libérale où il ne reste rien des déclarations d’alors. Dix ans auparavant, les démocrates étaient divisés sur la question. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Peter Beinart s’interroge sur les raisons de cette transformation.

D’après lui, une bonne partie de la réponse est politique. Les démocrates cherchent à rafler l’électorat latino en forte expansion. Lors de sa campagne pour sa réélection en 2012, Obama lâcha du lest sur l’expulsion d’immigrants en situation illégale[17] après que des manifestations eurent dénoncé les pratiques de l’administration en la matière, afin de regagner les faveurs de l’électorat latino.

S’y est ajouté la pression des grandes entreprises qui se mobilisèrent pour obtenir des politiques plus favorables à l’immigration. Marc Zuckerberg fonda ainsi, en 2013, FWD.us afin, notamment, de faire évoluer la politique migratoire américaine. Bernie Sanders fut d’ailleurs vivement critiqué par des grands patrons et des démocrates horrifiés par son entretien sur Vox avec Ezra Klein. Ce dernier lui demanda s’il était prêt à aller jusqu’à une ouverture totale des frontières afin de lutter contre la pauvreté dans le monde ? Sanders répondit vertement qu’il n’était pas question de faire venir aux Etats-Unis toutes sortes de gens prêts à travailler pour 2 ou 3 dollars de l’heure, mais qu’il fallait, au contraire, augmenter les salaires. Pour le président de FWD.us, Sanders en était resté aux idées rétrogrades dont les progressistes s’étaient enfin débarrassés. Sanders finit par ne plus parler des coûts de l’immigration, à la grande satisfaction de FWD.us.

Dans la sphère des économistes aussi, les pressions se font sentir. Peter Beinart explique ainsi que des universitaires, comme des journalistes et des politiques, évitent de mettre l’accent sur la réduction des salaires. Il ajoute que nombre de ces universitaires qui travaillent sur l’immigration ont reçu des fonds d’associations ou d’entreprises pro-immigration. Et il prend l’exemple de Giovanni Peri, chouchou des médias convaincus du rôle positif de l’immigration. C’est ainsi que le New York Times parle de lui comme d’un éminent chercheur travaillant sur les effets de l’immigration. Microsoft a participé au financement de sa recherche sur l’immigration hautement qualifiée et est-ce complètement un hasard si son étude publiée en 2014 décriant la limitation du programme de visas H-1B a été en partie financée par l’association New American Economy[18] ? Sans aller jusqu’à croire que Giovanni Peri est un mercenaire à la solde du grand capital, Peter Beinart invoque une influence plus subtile : « la prépondérance du financement des entreprises peut influencer les questions que les économistes se posent et celles qu’ils évitent ».

Paul Collier, professeur d'économie à Oxford, a expliqué, dans son livre Exodus, en cours de traduction aux éditions du Toucan, comment les chercheurs en sciences sociales sont prêts à tout pour ne pas donner du grain à moudre aux fanatiques anti-immigrés.

Peter Beinart, en progressiste, essaie de concilier la nécessité de continuer à favoriser une immigration de personnes sans grande qualification, comme les Etats-Unis l’ont toujours fait, avec une compensation prélevée sur les entreprises qui en profitent à destination des Américains les plus déshérités, empruntant à George Borjas l’idée de taxer les entreprises High-tech, du secteur agricole et de celui des services. Mais il ajoute, en se fondant sur le travail de Robert Putnam, que plus la diversité est grande, plus la cohésion sociale s’affaiblit et moins les Américains sont généreux et favorables à la redistribution des richesses.

Peter Beinart pense que c’est ce que Donald Trump a compris.

Les progressistes, dit-il, doivent prendre au sérieux le désir de cohésion sociale des Américains. S’ils veulent promouvoir une immigration massive et une plus grande redistribution économique, ils doivent convaincre les natifs blancs que les immigrants n’affaibliront pas l’identité nationale. Et pour cela, il faudrait que la gauche accepte de dépoussiérer le concept d’assimilation qu’elle déteste tant et qu’elle s’engage, notamment, à promouvoir l’apprentissage de l’anglais. Mais elle doit aussi en finir avec l’immigration illégale, tout en facilitant un accès à la citoyenneté des immigrants illégaux déjà là qui se sont enracinés aux États-Unis.

GEORGE J. BORJAS : LE « CHANGEMENT DE PIED » DES PRO-IMMIGRATION

Dans un texte du 20 juin 2017, George Borjas décrit, non sans malice, l’absence de constance chez les défenseurs de l’immigration : « The New narrative : Less Immigration Is Bad »[19].

La « ligne du parti », jusque-là était : les immigrants occupent des métiers dont les natifs ne veulent pas. Les natifs ne perdent donc pas leur emploi et gardent leur salaire inchangé. Dévier de cette ligne ne pouvait être que le fait d’un crétin raciste et xénophobe.

Les restrictions annoncées par l’administration Trump oblige à changer de tactique. La nouvelle ligne du parti est désormais : « moins d’immigration est mauvais. »

Une manière de justifier ce nouvel argumentaire, a été de s’apitoyer sur le retour de Mexicains au Mexique. Ce que fit le Washington Post, le 3 mars dernier dans un article intitulé : After decades in America, the Newly deported return to a Mexico they barely recognize[20]. Et, au Mexique, miracle, les lois de l’offre et de la demande reprennent du service : « More returnees means lower wages for everybody in blue-collar industries such as construction and automobile manufacturing, where competition for jobs is likely to increase economists say ». Autrement dit, les Mexicains qui reviennent vont faire baisser le salaire des Mexicains qui travaillent dans les secteurs où ils vont chercher à se faire embaucher.

George Borjas trouve la chose cocasse : « J’aime la formule “les économistes disent” en fin de phrase. C’est dommage que les noms de ces économistes ne soient pas donnés. Mais ne soyez pas choqués si ce sont les mêmes experts qui ont clamé l’exact opposé depuis deux ou trois décennies quand il s’agit du marché du travail américain. »

Le 28 avril dernier, un journal local de la Nouvelle Angleterre, le Bangor Daily News, se faisait l’écho des patrons qui s’inquiétaient du manque de main-d’œuvre pendant la période estivale et espéraient être secourus par le congrès pour que plus de visas H-2B, prévus à cet effet, soient délivrés, ce qui leur éviterait ainsi d’augmenter les salaires[21]. Début septembre, Politico faisait le bilan des solutions de rechange des employeurs n'ayant pu compter sur des étrangers avec un visa H-2B[22].

Le 21 avril dernier, le Dallas News s’inquiétait de l’effet que pourrait avoir une baisse de l’immigration sur le prix de la construction : « Le prix des logements à Dallas augmente rapidement et les entreprises du bâtiment se plaignent des pénuries de main-d’œuvre et de la hausse des salaires dans le secteur. »[23]

Le 2 juin dernier, Le président de la Réserve fédérale de Philadelphie se faisait l’écho des difficultés des entreprises pour trouver de la main-d’œuvre peu qualifiée. Il citait le cas de deux entreprises qui avaient dû hausser les salaires respectivement de 10 % et de 8 % afin de retenir leurs salariés[24].

Conclusion de George Borjas : « Il n’y a pas de limite à l’hypocrisie des experts. Ce pourrait être amusant de suivre le sujet dans les années qui viennent et de regarder les dominos tomber et tous ces experts, qui ont ressassé que l’immigration était sans effet sur les salaires, semer la panique pour prouver l’horreur économique déclenchée par la politique de Trump, en déclarant que moins d’immigrants impliquent des coûts du travail et des prix plus élevés et plus d’inflation. »

[8]  Maielitos est le nom donné aux Cubains expulsés par Fidel Castro en 1980 et qui ont embarqué au port de Mariel pour atteindre les côtes de Floride.

[17] en repoussant l’expulsion d’immigrants en situation illégale qui sont arrivés avant l’âge de 16 ans et présentaient certaines caractéristiques.

[18] Cette association réunit des maires démocrates, républicains et indépendants et des chefs d'entreprise favorables à une réforme favorable à l'immigration.                     http://www.newamericaneconomy.org/

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Derniers commentaires

28.11 | 10:40

À mon avis à la Doc de l'Ined sur le campus Condorcet ou à la BNF

27.11 | 23:14

Cette période de baisse étant due à la crise de 1929 (avec des effets sur l'emploi à partir de 1932) et à la 2e guerre mondiale.

27.11 | 23:13

Selon l'INSEE, la part des immigrés et des enfants d'immigrés augmente en France depuis 1911 (2,7%) jusqu'en 2021 (10,6%).
La seule période de baisse a été de 1931 à 1946.

27.11 | 22:57

Bonsoir

Où peut-on lire l'étude sur Crulai?

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